LE SYNDROME DE L’ICEBERG

La signification symbolique de ce titre est adaptée à un grand nombre de sujets, de situations ou de personnes.

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Photo Pixabay

La fascination de l’iceberg.

L‘iceberg, montagne de glace flottante éblouit d’abord par sa beauté lumineuse. Il attire le regard. Il fascine.

Même en s’approchant il est difficile de percevoir sa nature essentielle : les neuf dixièmes de sa masse, invisibles sous la surface de l’eau, assurent le miracle esthétique à l’air libre. Qui pourrait soupçonner que ce spectacle paisible cache un danger redoutable :  s’approcher c’est risquer le naufrage soit en heurtant la glace invisible sous l’eau, soit, bien pire, parce que toute la masse de l’iceberg à la recherche d’un nouvel équilibre se retourne et vous engloutit ….

Ainsi l’être humain, dans un contexte donné, se focalise sur un seul aspect d’un tout, plus vaste, en refusant de voir sa complexité. Une approche superficielle ne permet pas de percevoir les dangers potentiels.  Une fréquentation plus approfondie met en évidence pour tout homme réfléchi une prise de risques graves. Le bon sens commande de se mettre hors de portée de la menace. Il commande aussi de prévenir et informer ceux qui n’ont pas perçu la dangerosité d’une naïve proximité. Pourtant force est de constater que certains sont tellement éblouis qu’ils font abstraction de la réalité et vont jusqu’à nier la nature perverse du bel édifice de glace.

Dans toute société dérivent des icebergs de tailles variables. Ils semblent faire partie du paysage. La confiance abusive qu’ils inspirent ne dérange pas souvent ceux qui directement ou indirectement seront peut-être victimes de leurs évolutions dans l’espace public.

Dans le contexte contemporain de l’ultra communication où news et fake news se côtoient et se chevauchent allégrement, les icebergs ont des effets ravageurs sur le destin des hommes à tous les niveaux. Vus de l’occident, Poutine, Kim Jong Un, Bachar el Assad et équivalents sont des monstres responsables de la guerre, de la souffrance et de la misère de millions d’innocents. Pourtant, même en occident il est des millions d’aveugles ou inconscients à nier ou travestir cette réalité. Dans leur environnement proche ces dictateurs sont comme la partie brillante de l’iceberg. Ils fascinent et tiennent en impuissance leurs admirateurs. Résultat inévitable de la propagande, de l’ignorance, de la désinformation…ou de la terreur.

La vigie aveugle ?

Traditionnellement la presse libre et pluraliste joue un rôle d’éclaireur des citoyens. Elle ne touche qu’une minorité de la population. Les médias qui ont pris le pas sur l’écrit couvrent la majorité des habitants du pays mais force est de constater qu’ils reproduisent un nouveau champ d’icebergs compliquant souvent l’accès à une information de base exempte de sensationnel ou d’interprétation. Que dire des réseaux sociaux véritables déversoirs d’humeurs, de réactions irréfléchies, de règlements de compte, véritables fabriques du mensonge et de la haine.
La communication a pris le pas sur l’information à un rythme de plus en plus accéléré, incompatible avec la réflexion qui nécessite du temps.
Ainsi tous ces informateurs qui devraient servir à la société de vigie contre le danger des icebergs entretiennent un stress informatif ne permettant plus, ou difficilement de faire la part des choses et de s’éloigner des icebergs dangereux.
On a jamais entendu autant d’experts de tout.
Jamais il n’a été aussi difficile d’y voir clair ! Les vigies commentent à l’infini les dangers mais n’orientent pas vers un chenal permettant de sortir des zones à risque.
 

Enfants gâtés de la démocratie ?

Dans notre pays d’enfant gâtés par l’histoire depuis près de quatre-vingts ans, la cécité sur le sort peu enviable de pays pas très éloignés, fait monter en puissance le sentiment d’être victimes de toutes sortes de complots. L’absence de rigueur dans la prise d’informations, le manque de culture et l’incapacité à dépasser son petit environnement immédiat empêchent de relativiser ce que beaucoup croient être des conditions de vie inacceptables. D’année en années les charlatans de la politique, drapés dans leur dignité de défenseurs d’une société meilleure ou d’une nation prétendument victime des autres nations européennes touchent toujours plus d’adeptes de solutions aussi caricaturales qu’irréalistes. Ne sont-ils pas de redoutables icebergs ces leaders populistes et démagogues, si nombreux ,qui ne font qu’affaiblir notre démocratie et ruiner les espoirs d’une Europe évoluant vers une vie meilleure et défendant ses valeurs face aux agressions des icebergs extérieurs ?

Tout cela mérite réflexion

L’actualité brûlante nous fait évoluer dans un véritable champ d’icebergs !

Le manque de mémoire, de culture historique, de sens du relatif et des réalités rend crédibles et séduisants des idéologues qui ont pour point commun de vous faire approcher dangereusement d’icebergs redoutables menaçant la vie quotidienne et les valeurs de notre société. 

 Les icebergs de glace  ne sont que les parties détachées des grands glaciers venant mourir dans les océans. L’éloignement dans un milieu maritime qui n’est pas le leur, les transforme en curiosités et fait oublier le prodigieux réservoir de nuisances, renouvelé sans cesse sur les immenses bassins d’alimentation polaires. Malgré tout la glace n’est que matière : elle est innocente, ne répondant qu’aux lois de la physique.

Un nouvel âge de glace ?

Il n’en est pas de même de nos icebergs humains issus de nos territoires se prétendant civilisés et théoriquement porteurs depuis longtemps de valeurs humanistes transmises par des générations successives.

Nostalgiques d’idéologies périmées ou d’utopies ils proposent des analyses de faits interprétés et souvent déformés. Ils proposent des recettes simplistes et inconséquentes. Ces simplifications abusives séduisent tous les partisans du « y a qu’à » et tous ceux, qui , individuellement ou collectivement, pensent que le problème ce n’est pas eux, mais les autres. Ils diabolisent ceux qui agissent en oubliant de dire que c’est la faillite humaine de notre système parlementaire qui empêche le dialogue politique et social. Notre démocratie est malade de ses acteurs et non pas de son cadre législatif. C’est toujours confortable de s’excuser de ses propres insuffisances en dénonçant celles des autres. La conception politique de trop de Français est caricaturale : tu es élu pour faire le maximum mais n’oublie pas qu’on ne te fait pas vraiment confiance et qu’on te surveille. A toi de te débrouiller. Avance vite…et bien. C’est un peu comme si on disait à un coureur de marathon d’adopter l’allure d’un coureur de 100m après lui avoir mis un boulet au pied et l’avoir chargé d’un lourd sac à dos.

L’histoire dramatique du dernier siècle  devrait nous éclairer : comme aujourd’hui les icebergs des années 30 ont conduit directement à la seconde guerre mondiale, à l’infamie de l’Etat Français, à la ruine de l’Europe et de notre pays.

Puisse le souvenir de la trajectoire de De Gaulle ramener au sens des responsabilités nos concitoyens.

Il n’y a pas de fatalité ! Seulement un manque de courage et de vérité !

Ouvrons les yeux !

 Nos icebergs sont issus de nos territoires ! Ils sont le témoignage des ratés de nos systèmes d’éducation, du manque d’adhésion à des valeurs fondamentales d’égalité et de probité, et par voie de conséquence à une complaisance très répandue pour les manquements aux règles déontologiques de la vie professionnelle ou de la vie publique et politique. Nos lois parlent de déontologie mais aussi de corruption. Passive et active. Théoriquement elles  luttent contre tous ces petits icebergs du quotidien.

Ouvrons les yeux !

 Notre pays n’est pas une république bananière. Malgré les obstacles semés par tous les petits icebergs qui essaient de conserver du pouvoir leur permettant de s’assurer des profits indus et des rentes, la moralité de la vie publique progresse. Mais soyons conscients que cela ne va pas de soi : il faut du courage pour affronter des puissants qui se serrent les coudes quand il s’agit de défendre leurs privilèges. Les lanceurs d’alerte, vigies contre les icebergs, ont besoin de considération et de protection. Ils incitent à remettre en cause des fonctionnements cautionnés de fait par trop de responsables administratifs ou politiques. Dans notre état providence décrié par de très nombreux bénéficiaires, l’argent public part à la dérive. La course aux subventions, aux aides et allocations diverses est le levier d’action essentiel de nos élus, associations, syndicats et de nombreux citoyens.

Ouvrons les yeux !

Trop de politiques à tous les niveaux, pratiquent la fuite en avant dans la dépense publique. Par démagogie, clientélisme, égoïsme local, complaisance intéressée des lobbyistes des milieux économiques ils offrent aux électeurs des équipements coûteux, à l’utilité relative. La surenchère entre élus n’a rien d’exceptionnel.

Faire de la politique !

C’est  un engagement d’une grande noblesse. 

C’est intégrer à chaque moment de son action les grandes valeurs universelles de notre république.

C’est naviguer au milieu des icebergs avec pour seul guide l’intérêt public.

C’est dire la vérité, proposer en visant le mieux et l’avenir.

C’est tenir le cap même avec les vents contraires.

C’est, au quotidien,  gérer l’argent public pour le bien commun.

C’est anticiper et adapter pour transmettre, un patrimoine collectif sain, offrant à la génération qui prendra la relève une situation améliorée par rapport à la précédente.

C’est donc entreprendre, avec imagination, réalisme et responsabilité, sans gaspiller, amortir ses investissements. C’est enfin agir de manière désintéressée et ne jamais permettre de conflits d’intérêts.

Des élus ou des citoyens responsables peuvent ils admettre dans leurs rangs des icebergs ? 
 La démarche me too, n’a pas encore atteint la sphère politique et ne semble pas inspirer une majorité de citoyens.

Agissez avec lucidité et  résistez aux sirènes des naufrageurs!