Mes parents ont quitté les Casses au printemps 1949,destination la Drôme, pour que nous, les cinq enfants puissions aller à l’école sans avoir à subir les déplacements ou l’internat. Malheureusement notre père perdra la vie dans un accident du travail en 1952.
Pour aider ma mère dans cette situation difficile, la famille Brun Roger aux Casses m’a pris en charge pendant les « grandes vacances ».A cette époque elles allaient de fin juin au premier octobre. C’est comme cela que j’ai vécu la vie de fils de paysans des Casses au milieu des années cinquante.
La vie agricole était basée sur l’autarcie. Il fallait répondre à tous les besoins de la famille et de la ferme. Les travaux étaient variés mais la principale activité en cette période estivale tournait autour de la fenaison:il fallait rentrer du foin pour les longs hivers de cette époque! Le plus possible au cas où la saison suivante serait moins généreuse.
Les vaches étaient à l’estive à Mikéou. (voir ici et ici).
La fenaison se faisait en trois étapes: d’abord dans les prés autour du hameau, puis à Mikéou et enfin au Villard. Plus on s’éloignait du hameau, plus cela devenait pénible, les distances justifiant cela.
Je me souviens que pour aller chercher le foin du Villard, Roger se levait à la pointe du jour pour aller faucher avec la moto faucheuse d’abord puis à la faux pour les bords des prés et talus. “Il fallait faire du travail propre”, me disait-t-il !, L’amour de la belle ouvrage! En partant il me réveillait. Je déjeunais, j’harnachais Mouton, le cheval, j’attelais la charrette et nous voilà partis pour le long chemin des Grands Prés. Je me mettais sur les « bouras » et je terminais ma nuit ! Mouton lui traçait son chemin par habitude, se reposant de temps en temps, car la pente est rude !Sitôt le souffle repris il repartait sans commandement sauf à Mikéou car il devait penser que l’on allait au chalet ! Arrivés aux Grands Prés, Roger avait avancé son labeur.
Nous mangions » un morceau » puis il fallait retourner le foin fauché la veille pour qu’il sèche bien. Jeannette est arrivée en renfort . Il est midi, l’heure du repas sorti de la musette ! Puis une petite sieste avant de prendre les râteaux pour faire des brassées afin de les mettre dans les barillons.
La douzaine ou quinzaine de barillons faits, Roger chargeait la charrette et vers cinq heures, après le « goustaroun » -le goûter-un dernier coup de râteau, pour laisser le pré bien propre, nous redescendions aux Casses. Le voyage était un temps de repos avant de décharger le voyage dans la grange.
Pendant l’été, les prés fauchés autour du hameau étaient arrosés par un réseau de canaux venant du pied du Villard. Chaque propriétaire avait un droit pour un temps défini en fonction de sa superficie. Grâce à cela, à l’automne il était possible de faucher le regain, très apprécié du bétail.
Quand il a fait de l’orage, il faut penser à la vigne. Un traitement à la bouillie bordelaise s’impose .Il faut aussi la piocher pour avoir une parcelle propre.
La fin de l’été approche. Les blés ont mûri. Il est temps de moissonner. Du Champ Blanc à l’Iscle les voyages s’enchaînent. Les gerbes liées à la main sont mises en petits gerbiers pour qu’elles sèchent. Il faudra alors les rentrer puis les battre, passer les grains au ventoir. Le blé sera apporté au minotier et l’on récupérera la farine. La façon se paie en blé. Roger pourra faire son pain toute l’année.
Quand il travaille à l’Iscle, Roger en profite pour visiter ses ruches. Si la récolte est bonne cela fera un petit extra de revenu, puisque seul le lait est le revenu de base.
C’est le début de l’automne. Il faut aller arracher les betteraves et les pommes de terre à l’Isclette et les remonter dans le tombereau. Le cheval a beaucoup de peine, un à deux voyages par jour! Cela sert à engraisser les cochons que l’on tuera en fin d’année pour faire saucissons et jambons. Les vaches en auront aussi pour améliorer la qualité du lait.
Les pommes de terre pour la cuisine sont cultivées aux Combes.
On va aussi faucher les lentilles à Pinfol.
Il faut aussi penser au bois de chauffage pour l’hiver prochain.
Pour cela il faut aller faire la coupe d’affouage.
Puis viendront les labours et les vendanges.
Peu de répit dans ce dur labeur de paysans de montagne. Seul
le dimanche après midi est consacré au loisir. Les hommes de la commune se retrouvent à l’école, non pas pour s’instruire, mais pour jouer à la pétanque ,boire un verre, discuter de la vie de la commune.
Parfois les jeunes allaient au bal à la guinguette au bord du lac de Montdauphin.
Ainsi se déroulait la vie aux Casses dans les années cinquante.
Dur travail pour vivre en autonomie.
COLLOMB Julien Michel*
*Julien Michel Collomb est né le 15/01/1943 dans la maison familiale des Casses. Les conditions de sa naissance par un hiver épouvantable et neigeux sont restées longtemps en mémoire des roteirolles de ce temps. Mobilisation quasi générale afin d’ouvrir la route à la pelle et avec un chasse neige à cheval pour permettre au docteur de Guillestre d’arriver en urgence. Accouchement difficile et risqué. Il doit passer la nuit aux Casses. Cette épreuve n’a pas empêché Julien Michel d’être un solide gaillard, fidèle à ses origines. Il a partagé avec beaucoup de jeunes et moins jeunes son amour de Réotier. Qu’il en soit encore remercié.